L'histoire du P'tit Quinquin
L’Canchon Dormoire plus communément connue sous le titre L’Ptit Quinquin est une berceuse écrite en patois par Alexandre Desrousseaux illustrant la vie ouvrière dans le Nord de la France au XIXe siècle. Un soir, en rendant visite à sa mère dans le quartier Saint-Sauveur, il entend une jeune fille, dentellière de métier, essayant vainement d’endormir son enfant afin d’achever son ouvrage et être ainsi payée. Cette scène lui inspire alors cette berceuse qui passera à la postérité sous le nom du P'tit Quinquin. Il la chante, pour la première fois, le 12 ou 13 novembre 1853 selon les sources, au 14 rue du Gand, à l'auberge "A la ville d'Ostende" tenue par le cabaretier L. Deledicque. Pour l'occasion, la petite fille de la maison avait accepté de lui prêter sa poupée (ou catou en patois) qui est désormais conservée au Musée de l'Hospice Comtesse.
Le succés est immédiat. Publiée dans la cinquième version de son second recueil de Chansons et pasquilles, elle s'écoula à plus de 100000 exemplaires! Louée tout d'abord par la presse locale, la renommée d'étend à la région puis nationalement et dépassa même les frontières. L'Ptit Quinquin devient alors l'hymne des gens du Nord. Le 6 septembre 1857, on pouvait lire dans l'Echo du Nord :" La renommée du chansonnier lillois se répand dans le département, où partout on chante ses refrains joyeux, et même dans la capitale où la langue lilloise a retenti sur les boulevards. N'a-t-on pas vu récemment à Paris, une bande joyeuse d'ouvriers en goguette longeant les boulevards en chantant : Dors min p'tit quinquin..." Cette renommée se confirme lors de son centenaire puisque L'Ptit Quinquin est célébré à l'Elysée sous l'égide du président Vincent Auriol et interprété par Line Renaud et la Société carnavalesque des Sans-Soucis.
L'air est notamment repris dans le vaudeville La femme aux oeufs d'or de Dumanoir et Clairville joué au Grand Théâtre de Lille, puis dans d'autres chansons et même par le 43e Régiment d'Infanterie de Lille. C'est ainsi que L'P'tit Quinquin devient leur marche officielle en 1870 pendant la guerre franco-prussienne. La mélodie résonna également durant la Seconde Guerre mondiale car La Marseillaise était interdite sous l'Occupation, non seulement en France mais également dans les Provinces Françaises en Afrique, en Indochine...
Initialement sur un tempo lent, la berceuse s'est métamorphosée en pas redoublé, polka, rock, jazz ou encore reggae. Il existe plus de 160 versions du tube du chansonnier. D'ailleurs depuis 1983, le carillon de Lille joue à l'heure L'P'tit Quinquin et à la demi-heure une autre pasquille d'A. Desrousseaux L'Habit d'min vieux Grand-Père.
Paroles et traduction :
En patois Refrain "Dors, min p'tit quinquin Min p'tit pouchin Min gros rojin ! Te m'feras du chagrin Si te n'dors point j'qu'à d'main." 1er couplet Ainsi l'aut' jour eun' pauvr' dintellière In amiclotant sin p'tit garchon Qui, d'puis tros quarts d'heure, n'faijot que d' braire Tâchot l'indormir par eun' canchon. Ell' li dijot : "Min Narcisse D'main t'aras du pain d'épice, Du chuc à gogo Si t'es sache et qu' te fais dodo. 2e couplet Et si te m'laich' faire eun' bonn' semaine J'irai dégager tin biau sarrau Tin patalon d'drap, tin giliet d'laine, Comme un p'tit milord, te s'ras faraud ! J' t'acat'rai, l'jour d'la ducasse Un porichinell' cocasse Un turlututu Pour juer l'air du Capiau-pointu 3e couplet Nous irons dins l'cour Jeannette-à-Vaques, Vir les marionnettes comme te riras Quind t'intindras dire un doup' pou Jacques ! Par l'porichinelle qui parle magas Te li mettras dins s'menotte, Au lieu d'doupe un rond d'carrotte Il t'dira merci Pins' comme nous arons du plaisi ! 4e couplet Et si par hazard sin maîte eus'fâche, Ch'est alors Narciss' que nous rirons Sans n'avoir invie, j'prindrai m'n'air mache, J'li dirai sin nom et ses surnoms J'li dirai des fariboles, I m'in répondra des drôles Infin, unchacun Verra deux spectac' au lieu d'un 5e couplet Alors serr' tes yeux, dors min bonhomme, J'vas dire eun'prière à p'tit Jésus, Pou qu'i vienne ichi, pindint tin somme, T'faire rêver qu'j'ai les mains plein's d'écus, Pou qu'i t'apporte eune coquille, Avec du chirop qui guille Tout l'long d'tin minton Te pourlèqu'ras tros heur's du long 6e couplet L'mos qui vient, d'Saint-Nicolas ch'est l'fête, Pour sûr au soir i viendra t'trouver I t'f'ra un sermon et t'laich'ra mette, In-d'sous du ballot un grand painier I l'rimplira si t'es sach', D'sait-quoi qui t'rindront bénache Sans cha sin baudet T'invoira un grand martinet 7e couplet Ni les marionnettes, ni l'pain d'épice, N'ont produit d'effet ; mais l'martinet A vite rappajé eul'p'tit Narcisse, Qui craignot d'vir arriver l'baudet Il a dit s'canchon-dormoire, S'mère l'a mis dins s'n'ochennoire A r'pris sin coussin, Et répété vingt fos ch'refrain |
En français Refrain Dors, mon petit quinquin Mon petit poussin Mon gros raisin Tu me feras du chagrin Si tu ne dors point jusqu'à demain" 1er couplet Ainsi, l'autre jour une pauvre dentellière En berçant son petit garçon Qui, depuis trois quarts d'heure, ne faisait que pleurer Tâchait de l'endormir par une chanson. Elle lui disait : "Mon Narcisse Demain, tu auras du pain d'épice Du sucre à gogo Si tu es sage et que tu fais dodo 2e couplet Et si tu me laisses faire une bonne semaine J'irai dégager ton beau sarrau Ton pantalon de drap, ton gilet de laine Comme un petit milord, tu seras faraud ! Je t'achèterai le jour de la ducasse Un polichinelle cocasse Un turlututu Pour jouer l'air du Chapeau-pointu 3e couplet Nous irons dans la cour, Jeannette-à-Vaques, Voir les marionnettes comme tu riras Quand tu entendras dire un sou pour Jacques, Par le polichinelle qui parle mal Tu lui mettras dans sa main, Au lieu d'un sou un rond de carotte Il te dira merci, Pense comme nous aurons du plaisir ! 4e couplet Et si par hasard son maître se fâche, C'est alors Narcisse que nous rirons Sans en avoir envie, je prendrai mon air méchant, Je lui dirai son nom et ses surnoms Je lui dirai des fariboles, Il m'en répondra des drôles Enfin, chacun Verra deux spectacles au lieu d'un 5e couplet Alors serre tes yeux, dors mon bonhomme, Je vais dire une prière au petit Jésus, Pour qu'il vienne ici, pendant ton somme, Te faire rêver que j'ai les mains pleines d'écus, Pour qu'il t'apporte une brioche, Avec du sirop qui coule Tout le long de ton menton, Tu te pourlécheras trois heures du long 6e couplet Le mois qui vient, c'est la fête de St Nicolas, C'est sûr au soir il viendra te trouver Il te fera un sermon et te laissera mettre, En dessous du ballot un grand panier Il le remplira si tu es sage, De choses qui te rendront heureux Sinon son baudet T'enverra un grand martinet 7e couplet Ni les marionnettes, ni le pain d'épice, N'ont produit d'effet ; mais le martinet A vite calmé le petit Narcisse, Qui craignait de voir arriver le baudet Il a dit sa berceuse, Sa mère l'a mis dans son berceau A repris son coussin, Et répéter vingt fois le refrain |
La bibliothèque conserve un manuscrit d'Alexandre Desrousseaux regroupant les mélodies au piano que le chansonnier composa pour accompagner ses chansons dont le P'tit Quinquin :
@ BmL, Ms C383
NP
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