Le ch'ti artiste lillois Simons
De l'union de Joseph Alphonse Simons, plombier-zingueur flamand et de Marie Castelain, ouvrière lilloise, naît Léopold Alphonse Simons le 2 février 1901 au 8 rue Bossuet dans le quartier de Lille Moulins. Toute la famille s'installe ensuite Faubourg des Postes dans le modeste café "Au P'tit Zouave". C'est dans ce quartier de Lille Sud qu'il passe toute sa vie, s'est marié avec Carmen Van Winsberghe et y est même inhumé. Simons le dit lui-même : " C'est assez extraordinaire. Ma vie s'est déroulée sur un kilomètre carré entre le cimetière du Sud, la porte des Postes, la porte d'Arras, soit un quadrilatère d'un kilomètre et demi." Immergé dans le patois, le petit Simons n'apprend le français que lorsqu'il intégre l'école primaire Turgot. Ses loisirs sont alors consacrés à la fabrication de marionnettes de chiffon et tout particulièrement au dessin qu'il exerce sur ses cahiers d'écolier. Repéré par l'un de ses instituteurs Monsieur Jules Marc, ses parents l'autorisent à suivre des cours du soir de dessin. Dès l'âge de 12 ans, maîtrisant alors la langue française comme le trait, il écrit et illustre ses histoires. Les débuts prometteurs d'une belle carrière... Mais la guerre éclate. Il devient l'apprenti de son père, s'initiant à l'art de la soudure au soufflet et jongle entre les petits boulots. Ses talents de peintre sont également mis à contribution au cimetière pour la réalisation des ornementations. Parallèlement, il crée, avec quelques camarades, sa première troupe de comédiens de bois et chiffons "Le Théâtre du Sud". Ils interprètent Gaston Leroux ou le répertoire du Grand Guignol. Sa passion du théâtre est une autre facette de l'artiste en herbe... |
Après guerre, en 1919, il entre à l'École des Beaux-Arts dans l'atelier de Pharaon de Winter (1849-1924). Il s'investit pleinement en cours et surtout en dehors. Il fréquente également la Maison de l'Etudiant où il noue des relations avec les étudiants des autres disciplines, ce qui lui sera profitable tout au long de son aventure artistique. Devenu "Honoris causa" de toutes les facultés selon son expression, il dessine, croque, écrit des sketchs, joue même dans une revue de Médecine... La bmL conserve notamment des menus et programmes des soirées étudiantes ou autres manifestations artistiques illustrés par Simons .
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À l'occasion de l'exposition des travaux d'élèves des Beaux-Arts en 1921, ses dessins inspirés de l'ouvrage d'Henri Barbusse "Le Feu" sur l'horreur de la guerre des tranchées sont remarqués par le directeur de "L'Écho du Nord" qui lui offre un emploi. Congrés, affaires judiciaires, politique, arts, sport... tout passe sous l'oeil incisif de Simons. Avec le journaliste Pierre Manaut (1889-1942), il publie dans "L'Écho du Nord" "La semaine humoristique" illustrant l'actualité. C'est d'ailleurs grâce à Pierre Manaut, également auteur de revue-spectacle pour l'Alhambra, que Simons fait ses débuts au théâtre avec sa future complice Line Dariel (1886-1956). En effet, le soir de la générale de "N' perdons pas l'Nord" en mars 1928, Manaut sollicite son ami Simons afin de créer une liaison entre les deux parties du spectacle. Ainsi naît le sketch en patois "L'poste à galène" interprété par la comédienne Line Dariel qui faisait partie de la distribution. C'est un succès! Leur carrière est désormais liée. À la scène, à la radio comme au cinéma, ils ne se quitteront plus jusqu'au lever de rideau de Line Dariel en 1956. De leur duo "Alphonse et Zulma", Simons raconte que "c'est une pièce qui a duré 25 ans, 500 sketches et 26 pièces en 3 actes, un véritable feuilleton".
bmL, L8-2425 | bmL, R20-8-269 |
À la mort de sa comparse, Lise Parsy, épouse de Raymond Dorliac, reprend le flambeau. Simons crée alors les rôles d'Irma et D'siré mais le coeur n'y est plus. Il préfère se plonger dans ses activités à la radio et à la télévision. Il présente notamment le "Magazine du mineur" à partir de 1959 sur Télé Lille, destiné en priorité au public du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Ce numéro zéro dont vous pouvez visionner un extrait, est suivi de 110 autres, la dernière diffusion ayant lieu le 27 mai 1972.
Alors qu'il fut l'un des piliers de la radio dès 1929 puis de la télévision dès 1939, la Direction Régionale de Radio Télévision à Lille estime que le patois n'a plus sa place dans les années soixante-dix et sonne le glas de cette aventure, une triste fin au goût amer pour Simons. Il décide de retourner aux sources. Ses premières années ont commencé avec le crayon puis le pinceau, ses dernières années s'achèvent avec la peinture. Simons s'éteint le 17 octobre 1979, sept jours après son ultime exposition.
N. Pfister
Pour en savoir plus
Retrouvez l'ensemble du fonds Simons conservé à la bmL dans le catalogue de l'exposition de 1989.
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Simons, 1901-1979 par l'Association Toudis Simons.
Simons et l'âme populaire lilloise par Jacques Brabant.