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C'est à moi ça / Gwendoline
[CD]
Edité par Born Bad Records ; 2024
La musique de Gwendoline en a rien à foutre. Elle a pas de projet. Elle tente rien, ils le répètent à qui veut lentendre, faut juste écouter. Chacun entendra ce quil veut dans Cest à moi, ça, nouvel album des deux brestois signés chez Born Bad. Daucuns voudraient quils soient Joy Division, Noir Boy George, Bruit noir, Ventre de biche, les bérus. Voudraient que leur wave soit cold, shlag, dark... mais cest pas leur problème. Les malentendus peuvent tuer dans ce métier, par pitié laissons ces deux-là tranquilles. Chanter la tise à ce point, cest plus la haine de soi qui guide leurs pas, cest culturel. Cest un acquis social, ils ont le droit de chier sur Rennes quand les costards en gyropode y ont piqué leurs bars préférés. Cest bien un truc dinclus de trouver quils sont déprimés, il suffit découter Le sang de papa et maman pour comprendre à quel puits artésien ils vont chercher le pastis croupi qui jaillit de ce disque. Il y a des chansons qui se laissent chanter, parce quil y a de la place pour nous dedans. Gwendoline calcule rien, si ça braille simple comme au foot, cest pas pour remplir des stades, cest parce que cest venu comme ça. Alors on gueule que nous aussi, on veut les retrouver au PMU à huit heures du matin, pour partir en retraite en mobylette, avec tous les copains. Leur hymne passé, tiré de Après cest gobelet, a quelques cousins dans lalbum, notamment Rock 2000 ou Pinata. Cest peut-être moins élaboré que lan 01 comme révolution, mais ça fera laffaire pour Pierre Barrett et Mickaël Olivette, deux-paumés magnifiques pour qui la fin du monde a commencé quand ils sont nés. Cest moins écrit que du Pascal Bouaziz, mais comme ils laffirment, écrire comme Baudelaire, ils en ont rien à foutre. Et puis fondamentalement : ils disent les termes. Ceux de la France Nutriscore Z comme Zemmour. Leur langue a le goût dun sous-bock humide et sent le micro fatigué de vivre dans le tiroir du comptoir dun bar-tabac. Ils prononcent les R comme pour cracher sur tout, parce que tout le mérite : Meetic, les clubs de vacances, la génération davant, celle daprès, la vie low-cost, les croquettes au poulet, la trash télé qui mange les cerveaux, les gens qui savent parler. Et eux-mêmes, sans doute, parce quils ont autre chose à faire quélaborer des plans socialement responsables dans leur disque. Et on a envie dêtre daccord, de pas choisir, de pas savoir. Ils comprennent pas pourquoi, après des années de loose, les gens formidables veulent faire des selfies avec eux, pourquoi dun coup, tous les soirs, cest la soirée de lannée. Et ça ne va pas saméliorer avec ce nouvel album pensé en duo à la maison, enregistré littéralement à la toute fin des choses, dans le Finistère. Les instrus sombres, radicales et sans chichis (Jake et Romain, guitare - claviers), y font la courte-échelle à Pierre et Micka, corps complémentaires pour dégueuler sur tout, avec un exceptionnel sens de la formule. Ils y sont pour rien si on les aime, et ça les fait déjà chier. On les aime parce que leur colère est juste. On a plus le luxe de la nuance quand tout a le goût du beurre doux qui a mal tourné.