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Aleph / Gesaffelstein
[CD]
Edité par Warner Music France ; Parlophone ; 2013
Attendu depuis quatre ans, le premier album de Gesaffelstein est un monstre hybride qui alterne déflagrations cinglantes et silences menaçants. De la techno de science-fiction. Qu'entend-on sur ses titres les plus violents ? Une prodigieuse remise à niveau de la techno primitive, venue des années 80, d'Allemagne ou de Detroit. Il le fait avec un mélange de brutalité et de sensualité qui fait de l'album Aleph un trip haletant, avec ses chutes, ses bombardements et ses séductions fatales. Comment ce jeune premier aux allures de dandy, éternel espoir depuis quatre ans, en est arrivé à ce degré de sophistication sonique ? Quel cursus musical prodigieux l'autorise à tenter des arrangements aussi risqués ? La réponse tient en un mot : incompétence. "J'ai passé des années à lire des publications techniques, à regarder des tutorials sur la musique et sa création. Et je reste connecté à tout ce qui se passe en technologie. La musique, je me suis rendu compte que c'était aussi logique que des maths.” On lui parle des complexes de musiciens electros, incapables d'échapper à la surcharge et aux musicos-de-la-mort dès qu'ils adaptent leur musique à la scène. La réponse fuse. “Je ne me suis jamais senti en imposture. J'ai passé beaucoup de temps sur ma musique pour ressentir une légitimité. Je ne suis pas un musicien, je la dessine sur un séquenceur.” Il est ravi d'achever un morceau, de le figer dans le temps “pour enfin passer à autre chose, à d'autres pistes". Le titre de l'album, Aleph, c'est l'alpha et l'oméga qui se rejoignent, le début et la fin. Son éducation musicale a commencé par une passion pour l'indus et deux groupes : les Allemands de D.A.F. et les Anglais de Nitzer Ebb. Il achète le synthé emblématique de ces pionniers de l'electro : le Korg MS20. "Je suis à l'aise dans le noir, avec les accords mineurs. J'ai des facilités pour la musique sombre". Gesaffelstein fait partie de ces DJ qui ne dansent pas, qu'on soupçonne de s'être mis aux platines pour justifier leur présence dans des soirées. En immersion totale, mais sans pression. Il y a la musique et la famille. "Ma musique n'empiète jamais sur le privé”. Pointilleux, il admet avoir suivi, au cours de l'enregistrement d'Aleph, un plan de vol très strict. C'est au rythme des infiltrations, vers la pop ou le hip-hop, que l'on mesure aujourd'hui l'influence phénoménale des musiques électroniques. Inauguré par Daft Punk ou Justice, ce pont entre la French Touch et les gros players américains est à son tour triomphalement enjambé par le Lyonnais, qui a fourni ses beats à Kanye West et sa science à Lana Del Rey. “Ce qui est intéressant, c'est ce que tu ne contrôles pas : quand la musique de Kraftwerk finit dans les ghettos américains et contribue à la naissance du hip-hop